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Bail commercial et procédures collectives

Le locataire commercial peut faire l’objet d’une procédure collective redressement judiciaire ou liquidation judiciaire et dans ce type de situation le bailleur se trouve confronté à trois problématiques :
  • Comment récupérer les loyers arriérés
  • Comment être payé des loyers pendant la procédure collective
  • Comment récupérer le local 

 

En vertu de l’article L.641-11-1 du Code de commerce la procédure collective d’un cocontractant n’est jamais une cause de résiliation du contrat ce qui signifie qu’il n’est pas possible de mettre un terme au contrat à cause du redressement judiciaire ou liquidation judiciaire d’une partie au contrat.

Les conséquences immédiates de l’ouverture d’une procédure collective du débiteur sont :

  • La suspension des poursuites individuelles
  • L’arrêt du cours des intérêts

Le législateur ayant essayé de concilier 2 impératifs contradictoires : la poursuite de l’activité du débiteur (le locataire) afin d’éviter la fin de l’activité, licenciements etc.  et la protection des intérêts du bailleur.

Lorsque le locataire fait l’objet d’une procédure collective les moyens d’action du bailleur sont très limités.

 


I - Bail résilié avant la procédure collective 

 

Dans l’éventualité où le bailleur a pris l’initiative d’une procédure en acquisition de clause résolutoire et qu’il dispose d’un jugement ou d’une ordonnance de référé constatant l’acquisition de la clause résolutoire devenue définitive avant l’ouverture de la procédure collective la situation est assez simple.

En effet le bail est résilié avant le jugement d’ouverture et dans ce cas la seule question pratique qui se pose au bailleur est celle de la libération du local.

Concernant les loyers arriérés le bailleur devra déclarer sa créance au passif de la procédure collective entre les mains du mandataire judiciaire et espérer qu’il pourra être désintéressé à l’issue de celle-ci.

Pour que le bail soit résilié il faut que l’ordonnance de référé constatant l'acquisition de la clause résolutoire soit passée en force de chose jugée avant l'ouverture de la procédure collective ce qui n’est pas le cas si :

  • le délai d’appel contre l'ordonnance n'est pas expiré au jour du jugement d'ouverture (Cass. com. 23-11-2004 n° 1685 FS-PB ) ;
  • si l’ordonnance a fait l’objet d’un appel avant le jugement ouvrant la procédure collective (Cass. com. 28-10-2008 n° 07-17.662 et Cass. 3e civ. 26-5-2016 n° 15-12.750) ;
  • la procédure collective intervient pendant que l'appel est en cours (Cass. com. 9-12-1997 n° 95-16.560 )

 


II -  Bail non résilié avant la procédure collective : l’option de l’administrateur sur la poursuite du bail

 

Le bail commercial permet l’exploitation du fonds de commerce et il représente une importance considérable dans le cadre d’une procédure collective puisqu’il permet la poursuite de l’activité, peut-être un plan de continuation de l’entreprise et également une cession des éléments d’actifs.

C’est la raison pour laquelle il jouit d’un régime spécifique en cas de procédure collective.

● la poursuite du bail décidé par l’administrateur judiciaire

Dans la pratique les choses ne sont jamais si simples et le plus souvent le bailleur ne dispose pas d’une décision devenue définitive constatant l’acquisition de la clause résolutoire.

Dans ce cas le prononcé du redressement judiciaire et de la liquidation judiciaire a pour conséquence l’arrêt des poursuites individuelles ce qui implique que le bailleur ne peut plus mettre en œuvre la clause résolutoire pour les loyers antérieurs à l’ouverture de la procédure collective.

Le principe est donc celui du maintien du contrat de bail pendant la durée de la sauvegarde, du redressement judiciaire et de la liquidation judiciaire.

En cas de sauvegarde et de redressement judiciaires du locataire, l’administrateur judiciaire dispose d’un droit d’option ce qui veut dire qu’il peut prendre la décision de poursuivre ou non le bail en vertu des articles L 622-13, II  et L. 631-14, al.1 du Code de commerce

En vertu de ces articles l’administrateur judiciaire informe le bailleur de son intention de poursuivre ou non le bail.

Mais également en application de l’article L.622-13 du Code de commerce le bailleur dispose de la possibilité de mettre en demeure l’administrateur ou le liquidateur de se prononcer sur la poursuite du contrat en cours.

Toutefois l’administrateur ou le liquidateur peuvent dans le délai d’un mois saisir le Juge commissaire pour lui demander un délai supplémentaire pour répondre ; ce délai ne peut pas être supérieur à 2 mois.

A l’issue du délai d’un mois sans réponse de l’administrateur ou du liquidateur le contrat est résilié. 

En application de l’article R. 622-13 Le bailleur peut saisir le Juge commissaire en charge de la procédure collective pour lui faire constater la résiliation du contrat.

Il est important de souligner que le Juge commissaire constate la résiliation, il ne la prononce pas.

a)  qui implique l’obligation de paiement des loyers de la part du débiteur

Si l’administrateur ou le liquidateur décide de poursuivre le contrat les loyers dus pendant la période d’observation doivent être payés au bailleur.

Les modalités de règlement en sont les suivantes :

  • en cas de sauvegarde, le paiement du loyer conformément aux termes du bail ;
  • en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, le loyer doit être payé au comptant et quels que soient les termes du bail (C. com. art. L 631-14, al. 4 et art. L 641-11-1, II).

Si l’administrateur judiciaire a choisi la poursuite du contrat de bail et qu’il ne paie pas les loyers, le bailleur retrouve sa liberté d’action.

Il peut alors initier une action judiciaire pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire et donc la résiliation du bail pendant la période d’observation en application de l'article L622-14 pour la procédure de sauvegarde, des articles  L.631-14 qui renvoie à l'article L.622-14 pour la procédure de redressement judiciaire et L.641-12 du Code de commerce pour la liquidation judiciaire.

L’article L.641-12 du Code de commerce énonce :

« Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement. »

Par application de cet article l'action en résiliation du bail à l’initiative du bailleur pendant la période d’observation ne peut pas être engagée avant l’expiration d’un délai de 3 mois.

Ce délai commence à courir à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective.

Concrètement le bailleur ne peut pas faire délivrer d’assignation au débiteur et à l’administrateur judiciaire es qualités dans un délai inférieur à 3 mois à compter du jugement d’ouverture mais il peut faire délivrer un commandement de payer à l'intérieur de ce délai.

Une fois le délai de 3 mois expiré il pourra faire délivrer son assignation.

La procédure peut être faite devant le Juge commissaire mais le bailleur peut aussi choisir d’agir en référé devant le Président du Tribunal judiciaire selon la procédure classique en matière d’acquisition de clause résolutoire.

La procédure devant le Juge commissaire est une procédure propre aux procédures collectives de constatation de la résiliation de plein droit d’un contrat, il ne s’agit pas d’une procédure propre au bail commercial.

L’article R 622-13 du Code de commerce énonce :

« Le greffier avise le cocontractant de la décision du juge-commissaire accordant à l'administrateur la prolongation prévue au 1° du III de l'article L. 622-13.
Le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l'article L. 622-13 et à l'article L. 622-14, ainsi que la date de cette résiliation.
La demande de résiliation présentée par l'administrateur en application du IV de l'article L. 622-13 est formée par requête adressée ou déposée au greffe. Le greffier convoque le débiteur et le cocontractant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et avise l'administrateur de la date de l'audience. »

Il est toutefois préférable d’intenter l’action devant le Juge des référés du Tribunal judiciaire puisque celui-ci pourra ordonner l’expulsion du locataire ce que ne pourra pas faire le Juge commissaire.

La Cour de cassation vient de juger que si le bailleur entendait agir devant le Juge commissaire il n’avait pas à faire délivrer un commandement de payer à la condition qu’il ne fonde pas son action sur la clause résolutoire mais limite sa demande à solliciter du Juge commissaire qu’il constate la résiliation de plein droit.
(Cass. Com 15 janvier 2020, n°17-28.127)

Si le bailleur saisit le juge des référés du Tribunal judiciaire il devra avoir fait délivrer un commandement de payer puisque l’objet de la demande sera de constater l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion du locataire.

 


III - Absence de poursuite du bail

 

En application des articles  L .622-14, 1° du code de commerce pour la sauvegarde , L.631-14 al.1 du Code de commerce pour le redressement judiciaire et L.641-12, 1 pour la liquidation judiciaire l'administrateur ou le liquidateur judiciaire peut décider, sans avoir à justifier de motifs, de ne pas continuer le bail.

Le principal effet de l’absence de poursuite du bail sera la restitution des locaux au bailleur.

 


IV - Est-il possible de compenser les loyers arriérés avec le dépôt de garantie

 

En matière de procédure collective une compensation est possible dès lors que les créances sont connexes.

Concernant le dépôt de garantie et le paiement des loyers tout le monde s’accorde pour reconnaître que les créances découlent d’un même contrat et sont connexes.

La question présente un intérêt dans le cas de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers pendant la période d’observation.
Dans l’hypothèse de la résiliation du bail la compensation pourra avoir lieu.
Mais la Cour de Cassation juge que les sommes détenues par le bailleur au titre du dépôt de garantie doivent être imputées sur les loyers dus pendant la période d’observation , et subsidiairement sur les loyers antérieurs :

« Attendu que pour prononcer la compensation judiciaire entre le dépôt de garantie et les loyers impayés, à concurrence en priorité des loyers impayés avant le redressement judiciaire, l'arrêt retient que tout paiement effectué doit s'imputer sur les dettes les plus anciennes ; 
Qu'ainsi, la créance du liquidateur constituée par le dépôt de garantie doit d'abord régler les loyers de la société antérieurs au jugement d'ouverture ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait, d'un côté, que la créance de restitution du dépôt de garantie était certaine, liquide et exigible au 5 janvier 1995, de l'autre, que la créance des loyers dus du 25 juillet 1994 au 5 janvier 1995 n'était pas discutée quant à son exigibilité et à son montant, ce dont il résultait que la compensation légale de ces créances réciproques s'était opérée de plein droit, à concurrence de la plus faible, à l'instant où la seconde était venue à échéance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; » (Cass com 20 mars 2001 n°98-14124).

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